Éric Coquerel, député LFI et président de la Commission des finances, incarne une gauche combative à l’Assemblée nationale. Militant de longue date, il conjugue convictions anticapitalistes et influence institutionnelle, malgré des controverses qui ont marqué son parcours.
Enfant de la banlieue parisienne, Éric Coquerel naît le 30 décembre 1958 à Courbevoie, au sein d’une famille sans antécédent politique notoire. Pourtant, c’est très jeune qu’il découvre l’engagement militant, dès le lycée, dans les mouvements contre la loi Debré en 1973. Très vite, il se forge une conscience politique dans les rangs de l’extrême gauche. L’adolescence militante devient un fil conducteur de sa vie.
Dans les années 1980, il rejoint la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), formation trotskiste dont il épouse la radicalité. Il y reste jusqu’en 1998, quittant la LCR quand celle-ci se rapproche de Lutte ouvrière, préférant une voie plus républicaine. C’est alors qu’il participe à la fondation de divers mouvements alternatifs comme le Mouvement pour une alternative républicaine et sociale (MARS). Il y défend une vision résolument antilibérale, ancrée dans les valeurs républicaines et sociales.
C’est avec la création du Parti de gauche en 2008, aux côtés de Jean-Luc Mélenchon, qu’il commence à prendre une véritable dimension politique nationale. Il est alors l’un des stratèges du mouvement, chargé de coordonner les campagnes, de structurer les réseaux, et de bâtir des ponts avec les mouvements sociaux.
Le passage à l’Assemblée nationale
Il faut attendre les élections législatives de 2017 pour qu’Éric Coquerel accède à un poste de député. Investi par La France insoumise (LFI), il remporte largement la 1ʳᵉ circonscription de Seine-Saint-Denis, l’une des terres les plus ancrées à gauche du pays. Ce territoire populaire, marqué par la précarité, devient son ancrage électoral. Il y est réélu en 2022 puis en 2024, chaque fois au premier tour, avec des scores écrasants.
Son élection ouvre les portes de l’Assemblée nationale à une figure militante, connue pour son verbe engagé et sa connaissance fine des mécanismes institutionnels. Coquerel, loin de se contenter d’un rôle de figurant dans l’hémicycle, s’y impose rapidement par son activité soutenue :
Il dépose de nombreuses propositions de loi
Intervient régulièrement en commission comme en séance publique
Prend part à des débats sur les finances publiques, la dette, la fiscalité, le logement ou l’évasion fiscale
En 2022, il est élu président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, l’un des postes les plus stratégiques du Palais Bourbon. Cette élection, permise par l’usage selon lequel ce poste revient à un membre de l’opposition, consacre sa montée en puissance dans le paysage parlementaire.
Une position stratégique pour un homme de conviction
La Commission des finances est l’un des organes clés de l’Assemblée. Elle examine le projet de loi de finances, scrute les dépenses publiques, et peut diligenter des enquêtes parlementaires sur l’utilisation des fonds publics. En accédant à sa présidence, Éric Coquerel devient un acteur central de la vie politique française.
Loin de se contenter d’un rôle technique, il saisit cette tribune pour porter ses combats de toujours :
Défense d’une fiscalité plus juste, avec un impôt sur la fortune rétabli
Lutte contre l’évasion et la fraude fiscales
Refus de la logique austéritaire
Promotion d’un investissement public massif dans les services publics
Il s’oppose régulièrement au recours à l’article 49.3 pour faire adopter des budgets sans vote, qu’il juge antidémocratique et autoritaire. À ses yeux, les finances publiques doivent être débattues, discutées, et décidées de manière transparente.
Un orateur médiatique et clivant
Dans l’espace public, Coquerel est une figure médiatique récurrente. Présent sur les plateaux de télévision et de radio, il intervient fréquemment pour défendre les positions de LFI sur des sujets économiques ou institutionnels.
Son ton est souvent jugé combatif, direct, voire clivant. Il n’hésite pas à affronter ses adversaires de droite ou du camp présidentiel, dénonçant les « cadeaux fiscaux » faits aux plus riches, les baisses d’impôts sur la production, ou les coupes dans les aides sociales.
Mais sa présence médiatique est aussi l’occasion de vulgariser des sujets complexes comme le fonctionnement du budget, les effets du déficit ou les choix d’arbitrages politiques. Il incarne ainsi une forme de pédagogie populaire, dans la lignée des traditions tribunitiennes de la gauche.
Des positions économiques marquées
Coquerel assume une ligne économique très marquée à gauche. À ses yeux, l’État doit jouer un rôle moteur dans la redistribution des richesses. Il critique avec constance la politique économique menée depuis 2017 par les gouvernements successifs.
Parmi ses propositions les plus notables :
Taxer davantage les grandes fortunes et les multinationales
Créer une taxe sur les superprofits
Réformer l’impôt sur les sociétés en le rendant plus progressif
Conditionner les aides publiques aux entreprises à des critères sociaux et écologiques
Il s’oppose frontalement à la réduction des dépenses publiques, qu’il considère comme une mise à mal de l’État social. À l’inverse, il plaide pour un renforcement de la dépense publique en matière de santé, d’éducation, de transports et d’environnement.
Une figure traversée par les controverses
Comme nombre de personnalités politiques de premier plan, Éric Coquerel n’a pas échappé aux controverses.
En juillet 2022, la militante Sophie Tissier accuse publiquement le député de comportements déplacés remontant à 2014. Une enquête judiciaire est ouverte, puis classée sans suite en février 2023, l’infraction étant jugée insuffisamment caractérisée. Toutefois, en juin 2024, elle dépose une nouvelle plainte avec constitution de partie civile, relançant l’affaire sur le terrain judiciaire.
En parallèle, en mars 2023, un policier affirme avoir été agressé par Éric Coquerel lors d’une manifestation contre la réforme des retraites. Le député nie les faits, évoquant une tentative d’intimidation, affirmant avoir lui-même été bousculé par les forces de l’ordre.
Ces épisodes ont donné lieu à des débats houleux, tant au sein de LFI que dans les médias, certains appelant à des clarifications, d’autres dénonçant une tentative de déstabilisation politique.
Une légitimité intacte à gauche
Malgré ces accusations, Éric Coquerel conserve une solide assise politique. Dans sa circonscription, ses électeurs continuent de le plébisciter. Il bénéficie aussi du soutien de nombreux cadres de LFI, qui saluent sa constance idéologique, sa compétence technique et son rôle de passeur entre la base militante et les institutions.
Son profil d’intellectuel engagé et d’élu de terrain lui permet de naviguer entre les différents courants de la gauche radicale, y compris au sein d’une NUPES parfois agitée.
Il reste aussi un acteur central dans l’élaboration du programme économique de La France insoumise, aux côtés de figures comme Clémentine Autain, Manon Aubry ou François Ruffin.
Et après ? Un possible avenir ministériel ?
À 66 ans, Éric Coquerel n’exclut pas un avenir gouvernemental, si la gauche venait à accéder au pouvoir. Il l’a laissé entendre à plusieurs reprises, tout en insistant sur sa préférence pour les fonctions parlementaires.
Dans une majorité de gauche, il pourrait prétendre à des fonctions de poids : ministre du Budget, de l’Économie, ou même président de l’Assemblée. Certains le verraient aussi dans un rôle de garant des équilibres institutionnels, à la croisée de la technique et de la politique.
Mais pour l’heure, il reste un homme de dossiers, un parlementaire méthodique et une voix essentielle du camp des insoumis.